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Sujet du devoir :

Etude comparée de trois réécritures de Don Juan - Voir le devoir corrigé

Texte 1 : Molière, Dom Juan, scène finale (1665)

 

LA STATUE.- Arrêtez, Dom Juan, vous m'avez hier donné parole de venir manger avec moi.
DOM JUAN.- Oui, où faut-il aller?
LA STATUE.- Donnez-moi la main.
DOM JUAN.- La voilà.
LA STATUE.- Dom Juan, l'endurcissement au péché traîne une mort funeste, et les grâces du Ciel que l'on renvoie, ouvrent un chemin à sa foudre.
DOM JUAN.- Ô Ciel, que sens-je? Un feu invisible me brûle, je n'en puis plus, et tout mon corps devient…

(Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur Dom Juan, la terre s'ouvre et l'abîme, et il sort de grands feux de l'endroit où il est tombé.)

Texte 2 : José Zorrilla y Moral, Don Juan Tenorio, scène finale (1844)

 

LA STATUE : Maintenant, don Juan, puisque tu as perdu encore l’instant qui t’étais accordé, viens avec moi en enfer.

DON JUAN : Arrière, pierre trompeuse ! Lâche-moi, lâche cette main, il reste encore un dernier grain dans le sablier de ma vie. Lâche-là : puisqu’un instant de contrition sauve une âme pour toute l’éternité moi, Dieu saint ! Je crois en toi ; si ma méchanceté est sans exemple, ta pitié est infinie. Seigneur, aie pitié de moi !

LA STATUE : Il est trop tard.

(Don Juan se jette à genoux, tendant vers le ciel la main que la statue a relâchée. Les ombres, les squelettes se précipitent vers lui ; à ce moment s’ouvre la tombe de Doña Inès, qui apparaît. Doña Inès prend la main que Don Juan lève vers le ciel.)

DOÑA INES : Non ; me voici, Don Juan ; ma main soutient cette main que ton repentir a levée vers le haut, et Dieu pardonne à Don Juan au pied de mon tombeau.

DON JUAN : Dieu clément ! Doña Inès !

DOÑA INES : Fantômes, dissipez-vous ; sa foi nous sauve, retournez donc à vos sépultures. Telle est la volonté de Dieu : les peines de mon âme ont purifié son âme impure et Dieu accorde à mon désir le salut de Don Juan au bord du tombeau.

DON JUAN : Inès de mon cœur !

DOÑA INES : J’ai donné mon âme pour toi, et Dieu m’accorde ton douteux salut. Mystère que nulle créature ne peut comprendre ; c’est dans une vie plus pure que les justes pourront comprendre que l’amour a sauvé Don Juan au bord du tombeau. Cessez, chants funèbres…

(Les ombres et les statues retournent en leur lieu ; des anges jettent des fleurs sur les deux amants ; le tombeau d’Inès disparaît, remplacé par une couche de fleurs.)

DON JUAN : Dieu de clémence, gloire à toi ! Demain les Sévillans seront effrayés de penser que je suis tombé dans les mains de mes victimes. Mais c’est juste : l’univers doit savoir que, puisque un instant de pénitence m’a ouvert le purgatoire, le Dieu de clémence est le Dieu de Don Juan Tenorio.

(Don Juan tombe aux pieds de Doña Inès, et ils meurent tous les deux. Leurs âmes, représentées par deux flammes brillantes, s’élèvent et se perdent dans l’espace au son de la musique.)


 

Texte 3 : Jean Aicard, Don Juan, I, 2 (1844)

 

DON JUAN

Et je me sens plus d’ennui, dans mon cœur plus désert

Qu’au temps où j’insultais le tonnerre et l’enfer !

Tiens, vois ce livre, là, le premier, va le prendre ! …

Sur l’unique rayon ! qui n’en porte pas dix !

(Rêvant)

C’est assez, et c’est trop ; car l’humaine science

N’en dira jamais plus que mon expérience.

N’ai-je pas lu que Faust, ayant tout lu, vieillard,

Se dit : « Je ne sais rien ; aimons ! » C’était trop tard !

Et que sais-je de plus, moi qui n’ai fait que vivre ?

J’ai pâli sur l’amour comme lui sur le livre,

Marchant toujours, jamais lassé par le destin

Et toujours veuf le soir de l’amour du matin !

(Il va, il vient, en roulant une cigarette. Sganarelle, son livre à la main, le suit dans tous ses mouvements.)

Maintenant c’en est fait pour moi de la jeunesse !

La cendre ne croit plus que la flamme renaisse !...

L’amour, toujours ce mot ! Aimer ! Quel son étrange !

Ai-je aimé Suis-je aimé ? Ah ! cœur de bête et d’ange,

Quel désir te soulève et pourquoi tombes-tu ?

(Se retournant brusquement vers Sganarelle.)

Eh bien ! ce livre, donc ! Pourquoi ne lis-tu pas

SGANARELLE

Vous ne m’avez pas dit de lire.

DON JUAN

Lis !

SGANARELLE

Tout bas ?

DON JUAN

Eh parbleu, non !

SGANARELLE (lisant avec stupéfaction.)

Don Juan ou le festin de Pierre !

DON JUAN (riant.)

Tu vas voir là comment nous arrange Molière !

SGANARELLE

Quoi ? Vous et moi ?

DON JUAN

Ce qui te paraîtra plus fort,

C’est d’y voir tout au long le détail de ma mort.

On veut m’intimider. Prends aux dernières pages.

SGANARELLE (lisant.)

« Dom Juan, l’endurcissement au péché traîne une mort funeste, et les grâce du Ciel que l’on renvoie ouvrent un chemin à sa foudre » (S’interrompant)

Cet auteur-là me plaît : ses paroles sont sages ;

Voyons comment vous répondez à ses avis ! (Lisant.)

« O Ciel ! que sens-je ? Un feu invisible me brûle, je n’en puis plus et tout mon corps devient un brasier ardent, ah ! 

(Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur Dom Juan ; la terre s’ouvre sur l’abîme ; et il sort de grands feux de l’endroit où il est tombé. »

(Sganarelle, en lisant, n’a cessé de jeter sur son maître des regards d’effroi comique. Don Juan écoute, calme et triste).

DON JUAN

Si cela pouvait être, au moins ! Mais non, je vis !...