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Sujet du devoir :

Max Gallo, Le pouvoir des mots - Voir le devoir corrigé

Cet été- là, j'avais 17 ans et la gaucherie qui va avec. Une jolie danseuse me faisait fantasmer. Je n'osais pas le lui dire, mais j'ai eu l'idée de lui écrire et mes quelques mots sur mon cahier d'écolier ont fait un miracle.

J'habitais avec mes parents près de la place Masséna, en plein centre de Nice. Les beaux jours venus, nous trainions avec deux ou trois copains sur les plages. Entre jeux d'eau, concours de vitesse et blagues, nous cherchions à nous faire mousser auprès des jolies filles.

Un après-midi, nous avons repéré une jeune femme d'une grâce peu commune. Nous nous sommes approchés d'elle. J'étais un peu timide et gauche. Je n'ai pas osé l'aborder. Au contraire du plus âgé d'entre nous. Bavard, charmeur et dragueur, il entra immédiatement dans un jeu de séduction qui ne laissa pas insensible cette belle inconnue. A force de persévérance et de confidence, nous apprenons qu'elle est danseuse.

Les jours suivants, pleins d'espoir, nous nous rendons à la même heure au même endroit. Notre danseuse s'y trouve fidèlement. Elle ne manifeste aucun signe d'agacement. Mon camarade continue ses manœuvres d'approche, tandis que j'observe la scène sans oser intervenir. Mais dans ma tête, j'essaie de trouver des mots. Des mots capables de la toucher, de l'attendrir, ou, au moins, de lui faire remarquer ma présence. Mon rival, avec sa façon habituelle, est à deux doigts de parvenir à ses fins. Il va toucher au but. Un soir, n'y tenant plus , je rédige sur un cahier d'écolier, un texte que j'intitule Récit d'une rencontre. J'y fais une description fidèle des sentiments qui m'habitent. J'y ajoute quelques fantasmes et désespoirs venus tout droit de mon imagination.

Le lendemain, lorsque nous la retrouvons sur la plage, je prends mon courage à deux mains et je lui lis les pages que j'avais écrites la veille. Il y avait là des mots que je n'aurais jamais pu prononcer en la regardant en face. Et, à ma grande surprise, le prodige opère. La jeune femme s'est reconnue. Elle semble même flattée de ce que sa personne m'inspire. Tout à coup j'existe... Elle me parle, elle s'intéresse à moi.

Ces lignes étaient mon premier reportage littéraire, mon premier texte en situation. Avec lui j'ai réalisé que les mots avaient une puissance qui pouvait largement dépasser celle de la parole. De ce jour, tout en découvrant l'amour, j'ai compris que je serais écrivain.

 

Max Gallo, Le pouvoir des mots